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« Les Enfants du massacre. Une enquête de Duca Lamberti » (I ragazzi del massacro), de Giorgio Scerbanenco, traduit de l’italien par Laura Brignon, Gallmeister, « Totem », 298 p., 11 €.
« Le Livre de Daniel » (Het boek Daniel), de Chris de Stoop, traduit du néerlandais (Belgique) par Anne-Laure Vignaux, éd. Christian Bourgois, « Satellites », 320 p., 10,50 €.
« En salle », de Claire Baglin, Minuit, « Double », 140 p., 10,50 €.
« Douceur, dont on se demande bien ce que tu fais sur la terre », s’interrogeait André Malraux, interdit et bouleversé, dans ses Antimémoires (Gallimard, 1967). Il est, en effet, des mondes où l’irruption de la douceur serait vue comme une incongruité absurde, un danger ou une agression. A Milan, l’école du soir Andrea et Maria Fustagni fait partie de ces enclaves protégées de toute tendresse. Quelques héros laïques y dispensent vaille que vaille des cours à des adolescents perçus comme des rebuts inscolarisables, fils de prostitués, rejetons d’alcooliques, syphilisés congénitaux. L’assistante sociale qui en gère le quotidien est indemne de toute illusion : « Il n’existe pas d’homme doux. C’est une contradiction dans les termes, ou alors il s’agit d’êtres anormaux… » C’est dans une des salles de classe, au tableau graffité d’obscénités, qu’est retrouvé le corps dévasté de Mathilde Crescenzaghi, institutrice. Coupables désignés, les onze élèves de son cours. Carburant de la fureur : de l’anisette sicilienne dopée aux amphétamines. Mais qui pour manigancer cette curée atroce ?
C’est ce que va s’échiner à trouver, de nuit comme de jour, au cas par cas, alors que sa nièce agonise à l’hôpital, l’inspecteur Duca Lamberti, dont Les Enfants du massacre constituent la troisième enquête, après Vénus privée (1966) et Tous des traîtres (1966). Le chapitre final, monument de barbarie vengeresse, donne à ce chef-d’œuvre de noirceur un final d’anthologie. Mêlant une amertume désolée héritée de Simenon à la violence acharnée du roman noir américain, l’Italo-Ukrainien Giorgio Scerbanenco (1911-1969), maître incontesté du polar italien d’après-guerre, nous assène là, égarées dans la brume d’un Milan hivernal, à la fois une évocation tragique des laissés-pour-compte du boom économique italien et une galerie d’insensés portraits au couteau. Après celles de Roland Stragliati et de Gérard Lecas, le texte est proposé en intégralité dans une excellente traduction de Laura Brignon.
« Quatre coups violents sur cette vieille tête. Comme on tape sur un piquet de clôture pour l’enfoncer. » C’est à la suite de cette agression qu’est laissé au sol Daniel Maroy, 84 ans, fermier à Saint-Léger, commune belge du Hainaut. Un reclus solitaire, faisant ses courses liasse en main, à vélo ou en tracteur. Un petit paquet d’argent exhibé qui donne à cinq adolescents de Roubaix l’impression qu’il y a sans doute gros à se faire chez « le vieux crasseux ». Dont acte, le 29 mars 2014, où, téléphone d’une main pour filmer l’exploit, fourche et planche de l’autre pour ouvrir la voie, l’escouade assaille Daniel, fouille les bâtiments et détale en les incendiant. De Daniel ne resteront que quelques débris noircis.
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