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Budget 2025 : déficit, LOLF, loi de programmation… Le lexique pour comprendre les débats

Le budget de l’Etat pour l’année à venir doit être examiné par le Parlement à l’automne, en vue d’une adoption avant la fin de l’année. Pour comprendre les enjeux de ces discussions à la fois techniques et politiques, nous avons recensé les principaux concepts et termes qui reviennent dans les débats.
Plusieurs types de textes budgétaires sont examinés par les députés et sénateurs.
Le PLF est le projet de loi établi par le gouvernement qui fixe les orientations répondant à ses objectifs politiques. Il décide des moyens alloués à chaque ministère et à chaque projet (augmentations ou coupes), mais aussi des recettes prévisionnelles : il peut réévaluer le niveau d’imposition des ménages et des entreprises, ou le niveau des taxes.
L’examen du PLF, qui se déroule chaque année à l’automne, ouvre une intense séquence parlementaire au cours de laquelle députés et sénateurs débattent, amendent, approuvent ou rejettent le texte qui leur est proposé.
Ce texte fixe les conditions d’équilibre financier de la Sécurité sociale tout en définissant les objectifs de dépenses. Il est étudié dans le sillage du PLF, mais constitue cependant un projet de loi distinct qui obéit à d’autres règles.
Une fois adopté par le Parlement – par un vote de l’Assemblée et du Sénat, ou avec un recours du gouvernement à l’article 49.3 de la Constitution comme en novembre 2023 – ce projet de loi de finances pour l’année à venir devient la loi de finances initiale (LFI) de l’année qui débute. C’est ce texte qui permet à l’Etat et aux administrations publiques d’engager leurs dépenses (courantes, investissement, rémunération des agents) et, ainsi, de fonctionner.
Le budget est voté pour l’année, mais il est souvent modifié au cours de celle-ci pour tenir compte de nouvelles décisions politiques, d’évolutions imprévues des dépenses, des recettes ou de la conjoncture macroéconomique (croissance, PIB…). En 2020, la crise du Covid-19 a entraîné l’adoption de quatre lois de finances rectificatives.
Le gouvernement a la possibilité de modifier le budget par décret, dans la limite d’une augmentation de 1 % des crédits ouverts par la LFI de l’année, ou d’une baisse de 1,5 % (art. 13 et 14 de la LOLF). Au-delà de ces ajustements, il est obligé de passer par une loi de finances rectificative (LFR) soumise au Parlement.
En février 2024, 10 milliards d’euros de crédits budgétaires ont ainsi été annulés par décret. Le ministre de l’économie a également « gelé » 16,5 milliards sur le budget 2024 de manière préventive. Eric Coquerel (La France insoumise, LFI), président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, a estimé dans un communiqué du 11 septembre que ces possibles annulations de crédit jusqu’à 26,5 milliards d’euros pour 2024 constituaient des « mesures d’austérité très fortes ». Il exige le dépôt d’un projet de loi de finances rectificatives « pour permettre au Parlement d’en débattre ».
Une fois l’année écoulée, la loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année précédente (LRGACA, appelée jusqu’en 2022 « loi de règlement des comptes ») doit encore être approuvée par le Parlement. Le projet de loi, qui doit être déposé avant le 1er mai de l’année suivante, permet « un temps de débat sur la situation des finances publiques distinct du temps consacré à l’adoption de la loi de finances initiale », précise la plate-forme gouvernementale budget.gouv.fr.
C’est en quelque sorte la Constitution financière de l’Etat : elle encadre les lois de finances annuelles, fixe leur contenu, détermine leur présentation, régit leur préparation et leur examen, établit leurs modalités de vote et d’application.
Cette loi organique (les lois organiques fixent les règles relatives à l’organisation des pouvoirs publics) a remplacé l’ordonnance de 1959 dont les règles étaient devenues obsolètes. Votée en 2001, la LOLF est entrée en vigueur à partir de la loi de finances 2006.
Il s’agit d’une loi qui inscrit le suivi des budgets de l’Etat dans une continuité pluriannuelle (au moins trois ans) pour orienter la trajectoire financière des administrations publiques vers l’équilibre budgétaire. Elle intègre dans la législation française les objectifs européens fixés par le pacte de stabilité et de croissance.
Cette loi ordinaire se juxtapose aux lois de finances votées pour une seule année mais n’a pas le même caractère contraignant.
Le pacte de stabilité et de croissance (PSC) est un texte européen issu du traité de Maastricht qui oblige tous les Etats membres à limiter leur déficit public à 3 % du PIB et leur dette publique à 60 % du PIB. Chaque Etat doit remettre au printemps son programme de stabilité national en accord avec les objectifs européens.
Le Conseil de l’UE a lancé, en juillet 2024, une procédure pour déficit public excessif envers sept Etats, dont la France qui avait un déficit de 5,5 % en 2023. Ces pays sont tenus de rectifier leur trajectoire budgétaire sous peine de sanctions financières.
Pour 2024, le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, visait un déficit de 5,1 %. Or ce déficit devrait plutôt s’établir à 5,6 % et s’aggraver à 6,2 % en 2025 en l’absence de mesures de redressement, selon une récente note du Trésor, qui estime que 30 milliards d’économies seraient nécessaires pour redresser la barre en 2025, et plus de 100 milliards pour atteindre l’objectif des 3 % en 2029.
Le déficit de l’Etat représente le solde (négatif) du budget de l’Etat, tel que présenté par la loi de finances de l’année considérée. Son périmètre est donc limité à celui de la LFI, sans prendre en compte celui de l’ensemble des administrations publiques.
Quant au déficit public, il comprend à la fois le déficit de l’Etat et celui de l’ensemble de ses administrations publiques (collectivités territoriales, Sécurité sociale).
Elle correspond à l’ensemble des engagements financiers sous forme d’emprunts publics contractés par l’Etat, la Sécurité sociale, les administrations centrales et les collectivités territoriales. Selon les critères issus du traité de Maastricht, elle représentait 110,7 % du PIB à la fin du premier trimestre 2024, contre 20,8 % en 1980. La dette de l’Etat correspond à 80,9 % de la dette publique dans son ensemble.
Cette expression recouvre l’ensemble des dépenses de l’Etat consacrées au paiement des intérêts de sa dette. En plus d’être dépendante du niveau de la dette publique, la charge de la dette est sensible aux taux d’intérêt. Des taux bas permettent de maintenir la charge de la dette à un niveau réduit, tandis qu’une augmentation des taux a des conséquences considérables sur les intérêts de la dette à rembourser. D’un point de vue comptable, seule la charge de la dette est portée au budget (le montant des emprunts ne figurant pas parmi les recettes, le remboursement du capital emprunté n’est pas non plus pris en compte dans les dépenses).
Pour une période donnée, plusieurs types de chiffres peuvent circuler, selon les normes budgétaires propres à chacun des cadres réglementaires.
La LOLF définit le périmètre de la loi de finances, qui comprend le budget général, mais aussi les budgets annexes et les comptes spéciaux.
Le budget général regroupe l’ensemble des dépenses et recettes, à l’exception des dépenses particulières présentées dans le budget annexe ou les comptes spéciaux. Il inclut la charge de la dette (51,3 milliards d’euros en 2024) parmi les dépenses, de même que les prélèvements sur les recettes directement reversées aux collectivités territoriales et à l’Union européenne, (66,7 milliards d’euros en 2024).
Dans la loi de finances pour 2024, les recettes portées au budget général s’élevaient à 311,9 milliards d’euros, pour des dépenses provisionnées à hauteur de 453,2 milliards d’euros. Soit un solde déficitaire du budget de l’Etat de 141,3 milliards d’euros.
Les budgets annexes sont réservés à des services de l’Etat qui ne sont pas dotés de personnalité morale et qui ont une production de biens ou de services donnant lieu au paiement de prestations. Ils recouvrent les budgets de l’aviation civile ou de la direction de l’information légale et administrative.
Les comptes spéciaux recouvrent des recettes de l’Etat directement associées à certaines dépenses, comme celles liées aux pensions des fonctionnaires, aux participations financières de l’Etat ou encore à la gestion du patrimoine immobilier de l’Etat.
Le solde de l’ensemble du budget (budget général, budgets annexes et des comptes spéciaux) adopté pour 2024 présentait un déficit de 146,9 milliards d’euros pour des affectations totales de crédits de 543,3 milliards d’euros.
Le périmètre des dépenses de l’État est une notion qui relève de la loi de programmation des finances publiques (LPFP). Il comprend les crédits du budget général hors pensions, hors charge de la dette, hors amortissement de la dette Covid, hors remboursements et dégrèvements. Il comprend aussi les dépenses des budgets annexes, certaines impositions et dépenses, et les prélèvements sur recettes (prélèvements pour les collectivités territoriales et l’Union européenne, notamment).
Dans la loi de programmation pour 2023-2027, ce périmètre a été fixé à 491 milliards d’euros pour 2024, 505 milliards pour 2025 et 512 milliards pour 2026.
Dans les lois de finances, les grandes lignes de dépense sont réparties par missions, « concourant à une politique publique définie », qui peuvent relever d’un ou plusieurs ministères. Chaque mission est détaillée en programmes, puis en actions qui permettent de flécher la destination des moyens alloués.
Dans la LFI 2024, 32 missions étaient inscrites avec des intitulés généraux : action extérieure de l’Etat, cohésion des territoires, économie, sécurités, plan de relance, etc. Ensuite, la mission « sécurités » se décline en quatre programmes qui relèvent de différents ministères : police nationale, gendarmerie, sécurité et éducation routière et sécurité civile.
Les montants alloués à chaque mission et programme s’expriment en euros, mais selon deux modalités prévues par l’article 8 de la LOLF ; des autorisations d’engagement (AE) et des crédits de paiement (CP).
Les AE constituent le montant maximal de crédits qui peut être attribué à une mission, dans la limite annuelle des CP qui pourront effectivement être payés cette année. Les AE peuvent ainsi prévoir l’intégralité des besoins d’investissement particuliers qui seront en partie réglés au cours de l’année, et en partie reportés sur les budgets futurs.
Le ministre de l’économie est en première ligne pour l’élaboration du budget. Il est secondé par le ministre délégué chargé des comptes publics, dont la mission première est « la préparation et (…) l’exécution du budget ».
L’une de ses missions, à laquelle se consacrent plusieurs centaines d’agents, est d’élaborer et de suivre l’exécution du budget. La direction du budget doit traduire dans le projet de loi les priorités indiquées par le gouvernement. Elle fonctionne en collaboration avec les différents ministères, et s’appuie sur d’autres directions générales du ministère de l’économie comme celles du Trésor, de l’Insee, de la législation fiscale et des finances publiques (DLF-DGFiP) pour remplir sa mission.
La direction générale du Trésor fournit des données indispensables à l’élaboration du budget. Elle élabore des prévisions économiques « pour la France et son environnement international et assure l’analyse et le conseil sur les politiques macroéconomiques et les questions économiques et financières européennes, en particulier en matière de coordination des politiques économiques ». C’est à partir de ces prévisions (croissance, PIB, charge de la dette…) que la direction du budget peut évaluer les recettes prévisionnelles ainsi que certaines charges. Elle est en outre chargée de suivre et d’orienter « la gestion de la trésorerie et de la dette de l’Etat ».
L’article 40 de la Constitution interdit aux députés ou aux sénateurs de déposer des amendements augmentant les dépenses ou diminuant les recettes de l’Etat. L’intervention du législateur sur le projet de loi est ainsi très limitée puisqu’il ne peut que modifier la répartition des crédits entre les programmes d’une même mission.
Chacune des deux assemblées possède une commission des finances, qui a un rôle de contrôle et d’information tout au long de l’élaboration du PLF. Composée de 73 députés à l’Assemblée nationale, elle est obligatoirement dirigée par un élu issu de l’opposition : Eric Coquerel (LFI) assure la présidence et Charles de Courson (Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires, LIOT) en est le rapporteur. Au Sénat, la commission des finances compte 49 élus, le socialiste Claude Raynal est président et le sénateur de droite Jean-François Husson (LR) rapporteur général.
Au moment de la présentation du PLF, les commissions des finances rédigent un rapport critique du projet. En amont, elles ont jusqu’au 10 juillet de chaque année pour adresser au gouvernement les questionnaires en vue de la préparation de leurs rapports. Le gouvernement a l’obligation d’y répondre par écrit au plus tard le 10 octobre, selon l’article 49 de la LOLF.
Entre-temps, un rapport d’information relatif au débat d’orientation des finances publiques doit être publié en juillet par le gouvernement, à l’adresse des Assemblées. Ce rapport présente la trajectoire macroéconomique du pays ainsi que « les conditions de financement et la soutenabilité de la dette de l’ensemble des administrations publiques et de leurs sous-secteurs ». Le « tiré à part », annexé à ce rapport, donne « les plafonds de crédits envisagés pour l’année à venir pour chaque mission du budget général » et doit être présenté avant le 15 juillet, selon l’article 48 de la loi LOLF.
Ces documents n’ayant pas été transmis aux commissions des finances mi-juillet, Eric Coquerel et Charles de Courson ont menacé d’aller chercher ce rapport d’information. Ils n’ont obtenu qu’une partie des documents, sans l’annexe indiquant les plafonds de crédits pour l’année à venir. Ils se sont rendus à Matignon mardi 17 septembre, puis à Bercy le lendemain, pour finir par obtenir jeudi un document établi « sur la base des lettres plafonds signées le 20 août ».
Les commissions des finances ont également un rôle de contrôle dans l’exécution de la loi de finances en cours ainsi qu’au moment du dépôt de la loi de règlement pour l’année précédente. Elles ont ainsi toute latitude pour demander au gouvernement l’information économique et financière nécessaire selon l’article 57 de la LOLF.
Le HCFP est une institution de contrôle indépendante de l’exécutif. Il a été créé en 2012 au sein de la Cour des comptes, en réponse au besoin de se doter d’un organisme budgétaire indépendant chargé de veiller au respect des règles budgétaires du pacte de stabilité européen. Dans ce contexte, le HCFP analyse et rend un avis sur les prévisions macroéconomiques et de produit intérieur brut (PIB) du Trésor sur lesquelles est fondé le PLF. Il est ainsi chargé d’apprécier sa cohérence avec les objectifs d’engagements européens de la France (loi de programmation des finances publiques).
L’avis du HCFP doit être joint au PLF lors de sa transmission au Conseil d’Etat, qui rend également un avis sur le projet de loi.
Romain Imbach
Contribuer

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